vendredi 25 mai 2007, par Eric L.
Bien étrange que ce souterrain dont l’entrée s’ouvre à proximité du fort de la Malmaison ... Il ne ressemble à aucune autre du secteur...
Plusieurs questions se posent quant Ã
— L’origine de la cavité,
— La finalité, outre l’extraction de la pierre,
— Le rôle durant la première guerre voire durant les Expériences de Chavignon menées au fort de la Malmaison en 1886...
Certains documents, dont l’ouvrage de René Courtois [1] font référence à d’importants travaux d’aménagement souterrains à proximité du fort de la Malmaison, et d’éventuelles communications avec les carrières de Bohéry :
"Celui de Malmaison servit même à des expériences d’explosion de mélinite. Il n’avait donc plus aucune valeur militaire au moment où éclate le conflit de 1914. Mais sa remarquable situation stratégique, dans la partie ouest du Chemin des Dames, et les possibilités d’abris qu’il offrait aux troupes allemandes furent remarquablement utilisées par celles-ci.
En liaison avec les carrières de Bohéry, le commandant allemand fit du secteur de Malmaison un ensemble fortifié redoutable, doté de nombreux réseaux souterrains à l’abri de tout bombardement. En 1917, deux unités d’élite - les 2e et 5e divisions de la garde impériale - y furent littéralement enterrées pour en assurer la défense. C’est dire assez le mérite de l’offensive d’octobre 1917 qui parvint en quelques jours à se rendre maitresse de tout ce secteur"
La cavité était connue de longue date ; nous y étions retournée durant l’été 2006, mais l’exploration complète du lieu avait été avortée suite repas trop arrosé qui nous avait "coupé les jambes" !!!
L’origine anthropique de la cavité ne fait aucun doute, les traces de pic sont partout visibles ; Il s’agit donc très certainement à l’origine, d’une carrière de pierre à bâtir.
— Les galeries sont bordées par des hagues en pierre sèche, ce qui laisserait penser à une carrière exploitée par la méthode des hagues et bourrages. Cette technique d’exploitation est surprenante pour le secteur : les carrières ayant majoritairement été exploitées par la technique des piliers tournés.
— l’exploitation a été réalisée dans une couche de calcaire plus récente et de moins bonne qualité que les autres carrières du secteur.
— Le banc de pierre a été travaillé sur une hauteur qui dépasse rarement 1,60 à 1,70 mètres, il s’agit certainement d’un corolaire avec le point précédent.
Détail intéressant : L’entrée de la cavité a été ré-aménagée à l’aide de tôles ondulée circulaire. Ces tôles sont retrouvées dans d’autres aménagement français et dans certains abris allemands de la grande guerre. Mais ce n’est certainement pas un indice suffisant pour affirmer que cet endroit a joué un rôle durant la première guerre. Qui plus est, la situation de l’entrée la rendait particulièrement vulnérables au coups directs de l’artillerie française, ceci étant d’autant plus risqué qu’il n’existe aucune autre sortie. On peut aussi s’interroger sur le fait que malgré le faible recouvrement (maximum 5 mètres), les galeries n’ont pas particulièrement étés malmenées par les furieux bombardement qui ont eu lieu dans le secteur. Certaines carrières voisines, pourtant bien plus profondes, ont été bien plus abimées que celle-ci (on songera notamment à la carrière voisine de Montparnasse, dont des quartiers entiers se sont écroulés suite au pilonnage de l’artillerie lourde longue portée française).
Autre détail frappant : Au sol de la galerie principale subsiste les empreintes de traverses. L’endroit était donc équipé d’une voie étroite. La présence de cette voie étroite surprenante dans le cadre de l’exploitation de la carrière, compte-tenu de la taille modeste du site.
Enfin, les inscriptions retrouvées sont rares. En particulier, une seule trace "militaire" a été retrouvée au ciel de la carrière : "CAPITAINE JEANTET SOLDAT BAILLY 67 RI". Cette inscription au noir de fumée laisse perplexe ; en effet, si ce régiment a bien été mobilisé en 1917 dans le secteur du Chemin des Dames, il l’a été plus à l’est. A moins que ce témoignage ait été laissé au cours du second conflit mondial ; le 67ème Régiment d’Infanterie ayant également été mobilisé dans le secteur à la fin de la guerre.
Il fallait lever le doute d’une possible communication entre le fort de Malmaison et cette carrière en réalisant une topographie sommaire des lieux. La superposition du relevé topographique avec un plan des tranchées retire tout espoir d’une possible communication entre ces deux ouvrages. En effet, si les galeries principales filent globalement vers le nord-est sous les lignes allemandes ; l’exploitation s’arrête plusieurs centaines de mètres avant l’ouvrage défensif ...
Une visite approfondie de l’endroit n’a que partiellement permis de répondre aux questions que nous nous posions ... Quelle rôle a joué cet endroit durant les conflits mondiaux ? Certainement pas un rôle majeur, peut-être un rôle de stockage ...
Une chose est sure, les galeries et surtout l’entrée s’éboulent inexorablement. Déjà de gros blocs, tombés au début de cette année obstruent partiellement le cavage. Dans quelques années cette carrière sera certainement inaccessible, emportant avec elle ses mystères...
Notes :
[1] René Courtois - Les Chemin des Dames, ed. Tallandier 1992.