SOUTERRAINS & VESTIGES

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    Une ambulance et un casernement souterrain allemand

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    vendredi 14 septembre 2007, par JFW

    Si le chemin des dames a laissé à l’Histoire quelques vestiges bien connus, comme la caverne du Dragon, ou moins connus, comme le fort de la Malmaison, la carrière de Froidmont, il a également légué d’autres artéfacts bien discrets. Nous allons partir à la découverte de deux d’entre eux.

    Mais avant tout, laissons place à l’Histoire :

    Le 16 avril, a lieu la grande offensive, sur laquelle les troupes comptent bouter hors de France, l’envahisseur. Le moral est magnifique, chacun veut absolument en finir et l’on comprendra mal les raisons, qui arrêteront notre bel élan.

    L’artillerie bombarde les positions allemandes avec violence. Pour notre part nous n’ignorons pas que notre tache sera rude ; des carrières (creutes) abritent les réserves ennemies que notre artillerie est impuissante à atteindre. Mais notre vaillance, notre endurance, notre désir de vaincre sauront bien venir à bout de la résistance allemande.

    L’heure H. est 6 heures du matin. Les 5e, 3e, et 2e compagnies sont en première ligne.

    A 6 heures

    Le Bataillon se porte d’un seul élan sur son objectif, et atteint le boyau Werther après avoir franchi le boyau Tirpitz, sans peine, en y faisant une trentaine de prisonniers. A partir de ce moment, il est accueilli par un feu nourri de grenades, de bombes à ailettes et de rafales de mitrailleuses, ces dernières placées sur le rebord et le sommet du plateau. Malgré ces difficultés, les premières vagues gravissent les pentes abruptes du plateau et s’approchent, des points fortement occupés par les mitrailleurs et grenadiers allemands. Un violent combat s’engage : grenades, obus VB. et fusils mitrailleurs fonctionnent à plein rendement.

    Devant les difficultés d’une progression de front, la 2e vague (1re et 4e) manÅ“uvre avec hardiesse afin d’envelopper l’ouvrage fermé qui couronne les carrières. La manÅ“uvre réussit ; les grenadiers sont réduits, les mitrailleuses enlevées dans un violent corps à corps et les artilleurs allemands tués sur leurs minenwerfers.

    Pendant cette opération, l’aspirant Dillard, de la 1re compagnie, et le sous-lieutenant Soureillat, de la C.M.1., s’apercevant que le 355e est arrêté dans sa progression, n’hésitent pas à faire face à gauche.

    Cette initiative neutralise le tir de l’ennemi et soulage fortement le régiment voisin.

    La prise des carrières nous livre 300 prisonniers dont 8 officiers appartenant au 186e R.I. (25e division de Landwehr ) et au 418e R.I.( 183e division d’infanterie )

    7 heures

    La progression continue sur le plateau même où successivement quelques mitrailleuses nouvelles se dévoilent. L’adjudant chef Liauté sert lui-même une de ses mitrailleuses malgré la proximité de l’ennemi ; sa vigoureuse intervention permet une reprise de la progression un instant arrêtée, puis les chasseurs manoeuvrent à leur tour les mitrailleuses allemandes et réussissent à les réduire.

    Néanmoins, la progression avait été lente et le barrage, qui devait nous précéder de 80 mètres devant les premières vagues, s’était tellement éloigné que l’ennemi avait pu fortement occuper les deuxièmes lignes. L’avance continue cependant jusqu’au moment où le nombre des mitrailleuses mises en ligne par l’ennemi est tel, qu’aucune manoeuvre n’est plus possible.

    12h30

    Après une préparation d’artillerie médiocre le Bataillon en liaison avec les corps voisins essaye mais vainement de progresser vers la lisière du bois. A chaque reprise, il est reçu à coups de mitrailleuses et de grenades. La 5e compagnie renforce à droite la 1re ligne.

    17h30

    Le Bataillon essaye à nouveau de progresser. A droite, la 4e compagnie gagne avec peine environ 80 mètres ; à gauche, la 2e compagnie pousse un petit poste vers la zone des abris. Deux compagnies du 29e B.C.P.sont mises à la disposition du Commandant.

    Le manque de munitions, grenades, artifices se fait sentir. Malgré les différentes demandes par avion, par coureur, aucune munition n’arrive. Force est alors d’employer les grenades allemandes trouvées dans les carrières et les tranchées abandonnées par l’ennemi.

    20 heures

    Le Bataillon s’organise pour passer la nuit aux avants postes, tout en conservant le contact avec l’ennemi. Les unités poussent des guetteurs en avant. En fin de journée, une colonne ennemie est signalée venant d’Ostel et se dirigeant vers le sud.

    21 heures.- Violente contre-attaque sur le centre ( 3e compagnie). Le sergent Gantzmann voit sa section décimée. Grâce aux grenades ennemies trouvées dans les carrières, grâce aux mitrailleuses, l’attaque allemande est repoussée.


    Canevas de tir de 1917 ; on y voit bien les boyaux Tirpits, Werther et Falkenhayn décrits dans le journal des marches

    Le 17 avril

    4h30

    L’ennemi prononce une très forte contre-attaque sur tout le front du Bataillon. Des troupes fraîches y coopèrent, elles appartiennent au 211e régiment de réserve (45e division de réserve)

    Nos feux obligent l’assaillant à reculer en laissant des cadavres sur le terrain. La 4e compagnie, malgré de grosses pertes (capitaine Bonnier, blessé, sous-lieutenant Scoliège, tué) résiste énergiquement. Le lieutenant Charles est tué.

    11 heures.- Le tir trop court de nos canons oblige toute la droite de la ligne à refluer de quelques pas. Sitôt la crise passée les emplacements sont réoccupés.

    Il faudrait, en ces jours d’héroïques combats, citer tous les chasseurs du Bataillon, car tous se sont battus comme des lions, la difficulté de s’emparer de cette position indique suffisamment la bravoure avec laquelle les chasseurs se sont élancés à l’assaut.

    A gauche, un abri bétonné encore muni de son réseau de barbelés ; à droite, une des nombreuses creuttes dans lesquelles se sont retranchées les Allemands

    17h30

    Le Bataillon appuie l’attaque des 27e et 29e Sénégalais sur les carrières de Grisnons et l’attaque du 29e B.C.P. sur les carrières souterraines.

    Dans une progression à la grenade, la 1re compagnie cherche à déborder par l’est la zone des abris fortement tenue par l’ennemi ; le mouvement est arrêté par des mitrailleuses et barrages de grenades. Le peloton de 37 appuie par son tir le mouvement des Sénégalais.

    A 21 heures

    Une contre-attaque allemande est repoussée comme les précédentes.

    Le 18 avril, vers 3 heures du matin, l’artillerie ennemie montre une activité anormale. Notre artillerie exécute un tir de contre-préparation sur les tranchées ennemies.

    La 4e compagnie est maintenant commandée par le sous-lieutenant Clauzolles. Elle repousse une contre-attaque, l’ennemi s’enfuit laissant quelques cadavres en avant de nos lignes. Durant la matinée, le Bataillon multiplie ses reconnaissances et provoque à chaque instant le tir des mitrailleuses ennemies.

    A 12 heures

    Les dernières patrouilles rendent compte que l’ennemi cherche à se dérober.

    A 12 h30

    Le 29e B.C.P.qui doit continuer le mouvement en avant, relève nos unités à l’est de Falkenhayn. La marche en avant est immédiatement reprise, ce qui nous procure une vingtaine de prisonniers et deux mitrailleuses.

    Des prisonniers allemands nous apprennent qu’ils ont reçu l’ordre de se replier sur la Siegfriedstellung (position Hindenburg du Chemin des Dames)

    Les trophées conquis par le Bataillon au cours des journées des 16, 17 et 18 avril consistent environ en : 400 prisonniers dont 10 officiers, 22 mitrailleuses, 12 minenwerfers moyens, 9 minenwerfers lourds et un important butin comprenant armes, équipements, grenades, lance-grenades, etc.

    Le Bataillon devient réserve de division et se porte entre les anciennes carrières souterraines et Falkenhayn où il passe la nuit en position d’attente.

    Que reste t il de cet affrontement quatre vingt dix ans plus tard ?

    De nombreux indices sont encore sur le terrain. Plusieurs d’entre eux sont particulièrement intéressants.

    Le premier indice à visiter est un début de tunnel allemand, s’enfonçant dans le sol grâce à une profonde tranchée maçonnée, certainement jadis recouverte de tôle ou de blinde.


    Un des deux puits vu du dessous ; on y voit encore dela maçonnerie et la tôle.

    Malheureusement, à peine dix mètres plus loin, un fontis interdit l’exploration, car le recouvrement n’était pas suffisamment important.


    Tunnel, à l’intérieur de la creutte.

    Par contre, en suivant le cheminement théorique du tunnel, on arrive rapidement à un puits étroit encore recouvert en partie par une tôle militaire. On aperçoit une paroi ce qui laisse à penser qu’il s’agit encore du tunnel. Plus loin, un puits d’aération probable, en bas duquel nulle galerie n’est visible ; cela ressemble fort à une creutte.


    Puits d’aération vu de dessous.

    En continuant encore une cinquantaine de mètres, un très gros fontis a vu jour et laisse apparaître une salle, ce qui confirme l’hypothèse de la carrière souterraine. L’exploration montre que cette salle est un front de taille. Pas d’autre entrée n’existe dans ce fontis.

    Il existe encore une entrée à cette cavité. Elle ressemble à une entrée d’abri banal. Quelques mètres de ramping permettent de rentrer dans la carrière. Car il s’agit bien d’une carrière, comme en laissaient présager les différents indices.

    Reste à savoir si elle communique (encore) avec les deux puits et le tunnel. Quelques minutes d’exploration suffisent pour confirmer l’unicité de la cavité. Il s’agit selon toute vraisemblance d’une ambulance de première ligne.

    Nous y découvrons en effet plusieurs petite salles, maçonnées.

    L’une d’entre elle contient même encore une civière en très bon état, posée contre un mur, attendant depuis quatre vingt dix un macabre travail qui n’arrivera plus.

    Les vestiges pariétaux sont fort rares, car une seule inscription baptise les lieux.

    Le second indice consiste en un ancien bloc enterré, encore muni de ses barbelés, mais il ne semble pas y avoir de continuation chtoniene, même à son origine.

    Le troisième indice est constitué par une série de mini cavages et habitats troglodytiques.

    L’une des carrières, au ciel plus fragile, a été renforcé par des gros madriers, encore en place de nos jours. Et ils remplissent leur fonction car la moitié de la salle principale ne tient plus que par eux.

    Le quatrième indice de taille conséquente consiste en un double cavage effondré. Le premier point marquant est que l’on peut passer en ramping entre le haut de l’effondrement et le ciel pour l’un des deux cavages.

    Le deuxième point marquant concerne l’effondrement en lui même, ou plutôt les effondrements car ils concernent les deux cavages. Habituellement, bien que l’on ne puisse pas en faire une généralité absolue, un effondrement, qu’il soit dû au cycle gel/dégel, à la mauvaise qualité de la pierre ou aux bombardements, produit de très imposants blocs, de gros blocs et de petits blocs en diverses quantités. Or, nos cavages n’ont que des blocs de tailles très importantes, voire même un seul bloc cassé en deux lors de l’atterrissage. Ce détail me laisse penser à trois évènements possibles :

    — soit l’entrée est du mauvais côté et a été délibérément explosé par les Allemands pour éviter un coup au but meurtrier,

    — soit il a été détruit par les Allemands grâce un fourneau de mine au début de l’attaque française ou lors du retrait sur la ligne Siegfried en avril 1917 (l’un et l’autre se sont suivis à une journée près),

    — soit il a été détruit par les Français lors du nettoyage de la zone.

    Je penche plutôt pour la deuxième hypothèse et détruit par les Allemands au début de l’attaque. Comme il existe trois puits au dessus, dont deux grands puits rectangulaires pour permettre à la troupe de monter dans la tranchée se trouvant au dessus et de descendre facilement, l’entrée, mal exposée ne servait plus à rien et devenait même dangereuse, car favorable à l’envahissement de la creutte.

    Ce dernier indice est le plus riche du secteur. La cavité est de taille honorable, bien que petite comparée à Froidmont, Montparnasse ou Colligis. Mais contrairement à ses cousines, celle-ci a été fortement remodelée par les Allemands. Un tel ré aménagement est rare et pourrait être comparé à la carrière Vedelle dans l’Oise (au sens importance des changements, pas à leur type)

    Comme pour l’ambulance décrite ci-dessus, le visiteur a le choix entre des puits et un ramping. Il est possible de ramper entre l’effondrement et le ciel pour pénétrer dans l’antre. Comme il a été précisé plus hauts, des puits de différents types existent :

    • ancien puits d’aération, reconnaissable à sa forme plutôt circulaire, de petit diamètre,
    • puits plus récent, foré par les Allemands et de forme plus rectangulaire. L’un d’entre eux contient par ailleurs un tube d’aérage en métal. Comme ces puits donnent directement sur une tranchée, ils devaient servir aux hommes pour passer de la tranchées et des boyaux pour se mettre à l’abri ou pour se reposer, et vice versa.

    Un peu à l’image de l’ambulance décrite ci-dessus, le réaménagement a induit la construction de plusieurs pièces bétonnées. Pour les égayer, des frises ont été peintes et un ersatz de papier mural a lui aussi été peint.

    Détails de frises.

    Mais cette cavité recèle d’autres petits trésors bien cachés.

    Autel de la carrière de l'éléphant (Ph. JFW) Autel de la creutte de l’Eléphant.

    Une chapelle au chemin des dames (ph. JFW) Autel découvert.

    Le premier d’entre eux est un autel religieux, habilement sculpté dans la masse d’un front de taille. Sa forme et son style rappellent celui de l’Eléphant. La différence essentielle est que celui de l’Eléphant a été sculpté dans un pilier tourné, alors que celui ci dans la masse d’un front d’extraction. celui ci est également en meilleur état de conservation et possède encore toutes ses colonnes.

    Le second d’entre eux est une sculpture grandeur nature d’un soldat allemand.

    Quelques autres sculptures de dimensions et de graphisme plus modeste peuvent aussi être appréciées, comme une croix ou une rosace.


    Stock d’obus encore en place dans une niche.


    Restes de boite à tabac, trouvé dans l’une des creuttes.

    Bibliographie

    Journal des Marches et des Opérations du 29e BCP.


    • Messages publiés : 2 (triés par date)
    •   1 -

      13 mai 2008 18:53, par 7mars1814

      Bonjour, encore merci pour ces articles qui permettent d’avoir un éclairage plus précis sur ces sites qui mériteraient un peu plus de considération. Je connais bien le secteur et ne manque pas de faire visiter à mes amis le tunnel de chavonne et la creute de l’éléphant, mais je n’arrive pas à situer "l’Ambulance" que je trouve vraiment extraordinaire, pouvez vous m’expliquer comment la trouver, en vous remerciant par avance.
    •   2 -

      27 octobre 2008 19:03, par Télick76

      Un seul mot........... ........... SUPERBE... !!!!!!