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    Le nettoyage des creutes par les compagnies Z

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    jeudi 27 décembre 2007, par Eric L.

    Abordons ici le sujet du nettoyage des creutes, non pas celui effectué par les travailleurs chinois ou par les ferrailleurs dans l’immédiate après guerre, mais celui encore moins ragoutant réalisé par des équipes spéciales chargées de déloger les occupants retranchés dans les anciennes carrières souterraines de l’Aisne.

    Cet article exposera quelques exemples où des équipes spécialisées ont été mobilisées afin de se rendre maitre des creutes du Chemin des Dames.

    Les combats souterrains : une légende ?

    Beaucoup de choses ont été écrites sur les combats dans les souterrains : faits héroïques où les combattants se livrent à de furieux corps-à-corps dans l’obscurité, combats au fusil et à la baïonnette. Comme le souligne Gérard Lachaux dans son ouvrage sur le Chemin des Dames [1] il faut avoir parcouru ces anciennes carrières afin de comprendre que de tels combats dans les profondeurs obscures paraissent impensables :
    Deux antagonistes de force égale, aux prises dans cet espace confiné n’auraient pu lutter bien longtemps dans la fumée provoquée par l’explosion des grenades, armes véritables du combat rapproché. De plus, lors de ce genre d’action, le souterrain ne peut qu’être plongé dans les ténèbres, car un quelconque éclairage désigne aussitôt son utilisateur aux coups de l’adversaire.
    Peut-on imaginer plus inefficace combattant que l’homme à demi suffoqué et quasiment aveugle ?

    Même si l’on ne peut pas exclure certaines actions ponctuelles, ce postulat conduit à la question suivante : Comment déloger l’ennemi terré dans ces souterrains inexpugnables ?
    on songe en premier lieu au bombardement des anciennes carrières. Au chemin des Dames, le recouvrement de ces cavités excède rarement une dizaine de mètres, souvent moins à proximité des entrées. Les puits et les entrées sont donc des cibles de choix pour l’artillerie.
    Mais lorsque les actions de bombardement ont échoué, il faut avoir recours à d’autres techniques afin de l’en déloger et se rendre maitre du terrain, à la fois dessus, mais aussi et surtout dessous …
    Les compagnies Schilt entrent alors en jeu ; pour illustrer ce macabre travail les exemples ne manquent pas : Creutes de l’éperon des Grinons nettoyées au lance-flammes lors de l’offensive d’avril 1917, entrées de la carrière de Fruty (qui en porte encore les stigmates) en 1918.

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    Un des cavages de la carrière de Fruty nettoyé par les compagnies Schilt. La carrière sera ensuite prise d’assaut par les fusiliers marins (Ph. Serge Hoyet)

    Les compagnies "Z"

    Mais pour déloger l’ennemi des creutes ? En ultime recours l’émission de gaz doit être envisagée ; ce procédé "raffiné" est expliqué dans une note du 03 octobre 1917 [2] :
    Les détachements de nettoyeur « Z » sont à mettre ouvre quand les grenades et les SCHILT ne parviendront pas à réduire la garnison de l’une des cavités qui parsèment la zone d’action du C.A.
    Leur procédé consiste à injecter des gaz toxiques dans les cavités à purger d’ennemis. […]
    Ce procédé ne doit être employé qu’en dernier ressort après l’échec de tous les autres moyens car il a comme résultat de rendre inoccupable durant un temps assez long, 24h au moins, les abris où il est employé. »

    Une autre note détaille l’emploi des compagnies d’attaque des creutes [3] :
    [...]
    Les bataillons d’attaque des creutes constitueront des unités dépendant des divisions d’attaque, marchant dans leur sillage, mais investies d’une mission spéciale, nettement déterminée, dont ils devront être détournés sous aucun prétexte. […]
    Le plan d’action de la division lui indiquera la place à occuper par son Btn dans la formation d’attaque de la division. Il se fera précéder de patrouilles vigoureusement commandées et composées d’hommes de choix qui seront chargés d’explorer les objectifs, et en particulier de reconnaitre toutes les issues, afin de lui permettre dès son arrivée de les investir, de les bloquer et de les battre aussitôt avec ses mitrailleuses, ses fusiliers et ses grenadiers.
    […]
    Le siège des creutes bloquées sera immédiatement entrepris. Les unités d’attaque disposeront de fractions de Cies Schilt et de Cies « Z » qui utiliseront toutes les ouvertures et en particulier les cheminées d’aération pour y jeter les liquides enflammés, des explosifs, et des engins incendiaires ou asphyxiants.
    L’emploi rapide et sans ménagement des moyens les plus violents ne manquera pas de hâter la reddition des occupants. Mais on évitera, en principe de pénétrer de force dans les creutes pour porter la lutte à l’intérieur en raison des avantages que procurent aux défenseurs la connaissance exacte qu’ils possèdent de la disposition intérieure des galeries, et des pertes inutiles qui en résulteraient pour les assaillants.
    Le siège méthodique sera poursuivi jusqu’à reddition complète des occupants. Le chef de Btn ne considèrera sa mission comme terminée que lorsqu’il aura la certitude que les creutes ne contiennent plus aucun ennemi.

    Les compagnies "Z" ou compagnies de gaz dépendent du 1er régiment du Génie et sont au nombre de 12, rassemblées en 4 bataillons : 31/1 à 31/4, 32/1 à 32/3, 33/1 à 33/3, 34/1 et 34/2.
    Un document du G.Q.G du 22 juin 1917 [4] relative à l’instruction et à l’emploi des unités spéciales dites « unités Z » précise que chaque compagnie est constitué d’environ 450 personnes dont 6 officiers et une vingtaine de sous-officiers et comprend en outre un médecin et 6 infirmiers (ces personnels ont leur importance si l’on en juge le nombre de servants intoxiqués lors des attaques par gaz).
    Un poste météorologique est rattaché à chaque compagnie. Cet élément est essentiel lorsque les compagnies Z sont employées à des opérations d’attaque aux gaz par vagues ou par lance-bombes.
    En pratique ces compagnies sont versées dans les divisions d’infanteries en fonction des besoins du G.Q.G ou du corps d’armée. En pratique «  la direction tactique appartient au Commandant de la grande unité à laquelle a été affecté le détachement chargé de l’opération (Général commandant la D.I. et éventuellement le C.A.) ; il fixe sur proposition du commandant d’unités Z, l’heure d’exécution de l’attaque. » (document du G.Q.Q. du 22/06/1917)

    Organisation des opérations

    Les opérations ponctuelles de nettoyage s’inscrivent dans un plan d’attaque plus général organisé au niveau divisionnaire.
    En premier lieu, la faisabilité de l’opération est évaluée au moyen de reconnaissances des objectifs. Cette reconnaissance est réalisée dans la plus grande discrétion, de nuit, par des patrouilles aguerries. Elle aboutit à un rapport dont nous détaillerons un exemple par la suite.
    Le commandement divisionnaire décide ou non de donner suite à cette opération, émet un certains nombre de recommandations et met en place un plan d’attaque :

    Il est dangereux de faire marcher les équipes immédiatement derrière la première vague d’assaut avec les bataillons d’attaque des creutes, car cette façon de procéder amènera forcément la crevaison, par balle ou éclat d’obus, d’un assez grand nombre de bouteilles de gaz. Le gaz qui s’échappera violemment créera une nappe très gênante pour la progression des autres vagues. [...] Cette éventualité ne peut être de mise sans compromettre la mission de ces bataillons.
    En conséquence, il est indispensable que les équipes "Z" reste à couvert dans un abri convenablement choisi, au besoin dans la tranchée de première ligne, jusqu’au moment jugions pourtant pour le porter en avant. [...] La mise en Å“uvre des appareils "Z" doit être précédée d’une reconnaissance complète des ouvertures par lesquels on devra lancer le gaz, et des itinéraires à suivre pour atteindre ces ouvertures.
     [5]

    Il (le commandant de demi section) est de son devoir en cas de fuite provoquée par la perforation d’un engin, de parer à toute cause d’intoxication en enfouissant rapidement et profondément la bouteille.

    Il est remis à chaque chef de demi section des croquis indiquant l’emplacement présumé des cheminées des creutes à assiéger dans le cas de résistance.
    Il est à prévoir que les Allemands auront obstrué ses cheminées par des panneaux solidement étayés de l’intérieur.
    Avant toute opération, il importera donc de briser ces panneaux et de rétablir la communication avec l’extérieur. Cette opération se fera par la projection dans l’intérieur de la cheminée d’une grande quantité de pétard de 135 g amorcés qui feront partie de l’armement du sapeur "Z".
    Après s’être assuré du débouchage du conduit le sapeur déposera sa bouteille debout et à proximité du trou, assez loin toutefois. À l’abri des coups de feu pouvant être tirés de l’intérieur de la creute. Le sapeur déroulera son tuyau de caoutchouc et introduira l’extrémité libre dans la cheminée.
    Il aura soin après cette opération de recouvrir par une toile l’orifice extérieur en la fixant par de petits piqués afin d’annihiler les courants d’air ascendants provenant de l’intérieur de la creute.
    Il ouvrira ensuite le robinet.
    La recherche d’un petit défilement, trou d’obus, ondulations de terrain, etc. lui permettra de surveiller la vidange de sa bouteille, et au besoin de la fermer s’il reçoit l’ordre.
     [6]

    Lors de l’attaque, les compagnies "Z" marchent avec la seconde vague d’assaut vers l’objectif repéré en soutient des mitrailleurs et des Cies Schilt, et interviennent si besoin.
    Chaque opération aboutit à un rapport circonstancié qui est transmis au commandement de la division.
    L’organisation pratique et logistique d’une opération fait l’objet de notes de services dont celle-ci relative à la mise en oeuvre des gaz par les cheminées d’aération des creutes :

    Les compagnies 31/1 et 31/2 ont reçu ce jour chacune : 75 pétards de mélinite et 100 détonateurs. Ces explosifs seront distribués dans les équipes de nettoyeurs et amorcés après distribution avec un cordeau BICKFORD de 25 cm de longueur amarrée sur le corps du pétard avec une ficelle. Ils sont destinés à une jetée dans les cheminées d’aération par les nettoyeurs. L’extrémité du cordeau BICKFORD sera rafraîchie avant le départ pour l’attaque. Elle s’allume avec facilité en utilisant les allumettes TISON ou avec un briquet de poche à amadou.
    TOILES D’OBTURATION DES CHEMINÉES D’AÉRATION.
    Les compagnies feront toucher au bureau du bataillon dans la journée du 12 chacune un rouleau de toile pour abris. Ses toiles sont destinées à obturer les cheminées d’aération. Elles seront assemblées par panneaux de 2 x 2 m. environ ; lesquels seront distribués dans les équipes de nettoyeurs au prorata des effectifs.
     [7]

    Ci-après, quelques exemples de coups de mains projetés ou réalisés au Chemin des Dames en 1917 :

    Rapport de reconnaissance à la carrière de Froidmont

     [8]

    Le puits de descente de la Creute de Froidmont se trouve à l’un des saillants de notre ligne avancée au point marqué sur la carte 9924. Il est tenu par une section de mitrailleuses du 106e régiment d’infanterie.
    DESCRIPTION.
    Ce puits qui donne accès dans une galerie souterraine reliant vraisemblablement la creute au point 9926 et à celle de Froidmont comprend trois descentes, 2 partant au niveau du sol et aboutissant à 8 m environ au-dessous, à un palier long de 10 m et large de 1 m 20 environ : la troisième partant de ce palier et aboutissant après avoir fait un coude vers la droite, à la galerie qui doit se trouver à une dizaine de mètres au-dessous du palier. La section de ces descentes et de 1 m 50 x 1 m.
    ÉTAT DU PUITS.
    Le puits est en bon état. La section qui en a la garde s’est installée sur le palier. Deux sentinelles en permanence surveillent la descente conduisant à la galerie inférieure. Cette descente et de plus obstruée avec des réseaux Brun et des caisses.
    Lors de la reconnaissance, il a été constaté que l’ennemi surveille avec deux sentinelles au-dessus l’autre extrémité. On a entendu causer, tousser et marcher. En outre il existe au bas de la lumière en permanence et un courant d’air continu qui laisse croire que les boches n’ont pas fermé hermétiquement le bas de la descente et que celle-ci communique toujours avec la galerie reliant les deux creutes.
    POSSIBILITÉ D’ÉMISSIONS DE GAZ PAR CETTE DESCENTE.
    Malgré le courant d’air ascendant le gaz qui sort avec pression des récipients pénètrera facilement par suite de sa pression et de son poids et se répandra dans la galerie inférieure en envahissant peu à peu les deux creutes.
    Une expérience faite aujourd’hui dans une grotte analogue, la grotte Gamet a confirmé ses prévisions.
    OPÉRATION PROJETÉE.
    Émission d’une 1/2 heures de B.C. faite du palier actuellement occupé par les mitrailleurs. Ce local serait à évacuer les occupants pendant l’émission. L’émission commencerait cinq minutes avant que l’infanterie aille prendre possession des débouchés. Elle jetterait le désarroi parmi les réserves qui se seraient abritées à l’intérieur en les intoxiquant si elles restent enfermées, en les contraignant à quitter les creutes précipitamment avec les masques sur la figure, peut-être sans armes et devenir la proie de nos hommes qui à ce moment auraient pris position autour des entrées sur les côtés est un peu loin, pour éviter que d’être intoxiqués.
    PERSONNELS ET MATÉRIELS EMPLOYÉS. Cie 31/4
    1 officier.
    1 s/officier.
    2 caporaux.
    2 agents de liaison.
    40 sapeurs.
    1 infirmier.
    MATÉRIEL TECHNIQUE.
    18 bouteilles moyennes.
    3 tuyaux d’éjection avec trois tubes d’émissions.
    Appareils de protection.
    Médicaments.
    En outre 300 sacs à terre pour boucher au-delà descente afin d’empêcher les retours du gaz en cas d’obstruction du bas par l’ennemi et supprimer l’effet du courant d’air ascendant.
    CANTONNEMENT.
    Le personnel avec matériel devrait arriver sur les lieux trois jours avant l’opération de façon à pouvoir faire la reconnaissance l’avant-veille et le portage la veille.
    Il peut-être cantonné dans la carrière de la COUR-SOUPIR et pris en subsistance durant l’opération par une unité située à proximité.
    TRANSPORT EN PREMIÈRE LIGNE.
    Ce transport se ferait par nos soins. Le matériel sera amené en camion jusqu’à la CROIX SANS TETE puis transporter à dos jusqu’à 9924 par les boyaux des Hanovriens, de la Douille et la tranchée du Culot. Cinq heures sont nécessaires pour le transport à dos, à condition que les boyaux soient praticables et que la réaction de l’artillerie ne soit pas trop violente. Durant ce temps, les troupes du secteur auront le masque en position d’attente, prêt à être appliqué sur la figure en cas de crevaison de bouteilles.
    CONCLUSION.
    L’opération est possible en l’état actuel des choses et peut donner de très bons résultats si l’ennemi ne bouge pas le bas du puits.

    La Compagnie 31/4 est prête à l’exécuter.

    Le commandant de la compagnie et l’officier qui est chargé ont déjà reconnu l’état des lieux.

    Plan d’attaque de la creute de Froidmont :

    Une note manuscrite du capitaine commandant le 31e Bataillon du Génie [9] (concernant vraisemblablement la creute de Froidmont) détaille ces étapes :
    Portage
    Le faire de nuit la veille de l’opération et à l’heure qui sera indiquée comme la plus favorable, vers 2 ou 3 heures sans doute.
    Installation des bouteilles
    1° S’assurer avant tout que la descente n’a pas été obturée au bas, en constatant si la circulation d’air existe et si l’on entends toujours causer et marcher.
    2° Eviter de choquer les bouteilles, les envelopper dans des sacs à terre pour éviter tout son métallique.
    3° Employer 3 tubes d’émission assez long pour arriver près de la partie coudée de la descente.
    4° Faire le mandarinage au cantonnement ou dans un abri à l’arrière, de façon à n’avoir qu’à le repasser dans le cas où il serait aplati au cours du transport dans les boyaux.
    5° Faire le montage de jour en vérifiant soigneusement les raccords.
    6°Obturer hermétiquement l’entrée avec des sacs à terre et de la terre humide, ne terminer cette obturation et ne faire dépasser les tubes que quelques minutes avant l’ouverture des bouteilles de façon à ne pas attire l’attention du boche.
    7° Ne faire aucune allusion dans la conversation, qui puisse donner l’alarme à l’ennemi.
    Exécution de l’émission
    1° Ouvrir à l’heure indiquée 2 bouteilles d’un même tube.
    Si ça va bien, en ouvrir deux autres d’un autre tube 1mn après, puis 2 autres du troisième tube d’émission, si ça continue à bien marcher.
    3° Si le gaz descend bien, ouvrir 5 minutes après 6 bouteilles, 2 par tube d’émission, puis le reste 15 minutes après.
    4° Fermer toutes les bouteilles et pulvériser dans le cas où le gaz refluerait en grande quantité sur le palier après l’ouverture.
    5° Prévenir le Commandant de la Division dans le cas où l’émission de gaz ne se serait pas faite comme prévu.
    Appareils de protection
    Un Tissot en bon état pour chaque opérateur.
    Deux Fenzy pour parer à tout accident.
    Quatre Vermorel plein de solution de Carbonate à 12%
    Médicaments pour taiter les débuts d’intoxication.
    Personnel de manœuvre
    1 Officier
    1 Sous officier
    2 Agents de liaison
    2 Manipulateurs
    1 Infirmier pour les soins à donner immédiatement
    Le reste du personnel resterait ai cantonnement pendant l’opération.
    Evacuation du matériel vide
    Sera faite la nuit qui suit l’opération, si la réaction de l’ennemi n’est pas trop forte. La nuit d’après dans le cas contraire.
    Commandement et liaison tactique
    Le commandement direct sera assuré par le lieutenant Chevallereau. Le Capitaine de la Hamelinaye se tiendra auprès du Commandant de l’Infanterie de la Division. Le Lieutenant Chevallereau communiquera avec lui par agent de liaison.
    Le Commandant du Détachement sera avec le Générale de Division, à moins d’ordres contraires. Le Commandant de la Cie 31/4 le renseignera par téléphone.
    Observation importante
    Rappeler au Commandant des troupes d’assaut de la Division et au Général que le gaz subsistera assez longtemps dans la creute et qu’avant de l’utiliser comme abri, il serait bon de la faire ventiler au moyen de 2 ventilateurs Farcot ou autres, par le Génie de la Division.

    Opération de gaz dans la Caverne du Dragon

     [10]

    25 juin 1917
    Le détachement du sous-lieutenant Moraine exécute l’opération projetée.
    Il s’agissait de procéder à une émission de gaz dans la caverne du Dragon (Drachenhole) située à 100 m à l’ouest du monument d’Hurtebise (près de la Vallée Foulon). Cette creute s’étendait en partie sous la première ligne française et était occupé dans sa partie nord par l’ennemi. Un mur la séparée en deux parties. La partie sud de communiquait avec nos lignes, et n’était occupée que par des guetteurs allemands. Deux entrées, une horizontale en B une en descente en D permettaient d’accèder à la grotte du côté français.
    C’est par les entrées déléguées B et D qu’il fut décidé d’effectuer l’émission.

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    Schéma de zonage de la Caverne du Dragon

    On plaça en D 18 bouteilles BC du type 22 litres et en B, 12 bouteilles du même type derrière d’épais barrages en sacs à terre destinée à éviter tout retour de gaz.
    Le transport des bouteilles fait effectuer sans incident dans le courant de la nuit. L’heure fixée pour le commencement de l’émission était quatre heures. De trois heures à trois heures 45, l’ennemi exécute des tirs de barrage. L’émission effectuée normalement, de quatre heures à 5 h 15. Une légère fuite se produit en B, et amène à l’intoxication légère de deux sapeurs : l’un d’eux - Collinet - est évacué par les soins de Mr le Médecin Aide-Major Guirard, médecin de la compagnie.

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    Une des entrées (D ?) de la Caverne du Dragon

    À six heures les sapeurs rentrent au cantonnement leur mission terminée.
    Sur les 90 bouteilles ouvertes, deux seulement n’ont pas fonctionné (pointeau coincé).
    L’attaque d’infanterie déclenchée à 18 heures a parfaitement réussi et a permis d’enlever la première ligne demie. En outre, 300 prisonniers dont 10 officiers sont restés entre nos mains.
    Par suite de la présence dans la creute du mur de séparation, les Allemands n’ont pas eu d’intoxiqué mais ils ont dû conserver leurs masques pendant de longues heures ce qui a contribué à les démoraliser.

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    Le mur de séparation dans la carrière : Un exemple unique de cohabitation dans les creutes soissonnaises.

    [...]
    26 juin 1917
    Assainissement de la grotte du Dragon. Le s/l Vasseur et blessé légèrement aux abords de la grotte du Dragon par un éclat d’obus.
    27 juin 1917 Assainissement de la grotte.
    [...]
    28 Juin 1917
    Fin de l’assainissement de la creute.

    A l’intérieur de la creute, le 1er Bataillon du 57e régiment Westphalien a enfilé les masques de protection contre les gaz et attend l’assaut. L’artillerie française va également entrer en jeu et obstruer la seule voie de replis pour les assiégés : l’entrée nord de la Caverne du Dragon.
    La suite de l’histoire ouvrira bien des débats : Qui est entré le premier dans la creute ? Un prêtre infirmier (l’aumônier Jean Py) du152e R.I. ou le soldat Plissonnier du 334e R.I. Dans ce débat futile, les autorités militaires semblent avoir tranchées en faveur du premier.
    Quoi qu’il en soit, les assiégés ne semblent que peu avoir souffert des gaz, d’une part à cause de leur équipement, et d’autre part à cause de la présence du mur de séparation entre la partie sud et la partie nord de la caverne mentionné dans le JMO de la compagnie 31/4 (ibid.).

    Ces méthodes de nettoyage ont-elles été efficaces ?

    Difficile d’en être certain ; les exemples retrouvés montrent :

    — la nécessité d’une préparation minutieuse et d’une exécution rigoureuse difficilement compatible avec les risques inhérents aux grandes offensives,

    — que lors de chaque opération, nombre de sapeurs "Z" étaient intoxiqués par leur propre matériel et devaient être évacués.

    — le risque important de crevaison des bouteilles par éclat d’obus ou balle (voir note citée)

    — que souvent les creutes étaient réduites par d’autres moyens (bombardement comme à Montparnasse, Cie Schilt à Fruty ou encore lors de la prise de la carrière de la ferme de la Malmaison)

    En revanche, une chose indéniable est l’impact psychologique que pouvait avoir ce genre de mission sur des ennemis assiégés dans les profondeurs des carrières. Ce point essentiel est bien décrit dans l’ouvrage de Gérard Lachaux (op. cit.)
    Ces opérations spécialisées, si l’on ne peut les négliger ne sont qu’une anecdote dans la guerre des gaz que se livrèrent les belligérants durant le premier conflit mondial.

    Notes :

    [1] Gérard Lachaux : Les Creutes du Chemin des Dames et Soissonnais. L’encrier du poilu, 2005

    [2] Note du 39e C.A. du 03 octobre 1917 Plan d’emploi des unités Z

    [3] Note du Gl Maistre QG du 30 aout 1917 Instruction sur les unités de nettoyeurs de tranchées et creutes.

    [4] Instruction du 22 juin 1917 relative à l’instruction et à l’emploi des unités spéciales dites « unités Z »

    [5] Note du 09 octobre 1917 du Général de Division commandant la VIe Armée.

    [6] Projet réglant l’organisation et l’emploi de la Cie 31/2 dans la participation de cette unité au nettoyage des creutes à l’attaque du jour J. 13 octobre 1917.

    [7] Note de service du 11 octobre 1917 du Capitaine Goffin, Commandant le 31e Bataillon du Génie.

    [8] Compte-rendu de la reconnaissance effectuée dans la nuit du 10 au 11 mai au puits de descente de la Creute Froidmont.

    [9] Note n° 3244 relative au Programme technique de l’opération du 15 mai 1917

    [10] Journal de Marche des opération de la Cie 31/4 du 1er RG.