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Le tunnel du Lingekopf

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mercredi 22 juin 2016, par JFW

Cet article se veut le complément de la première approche écrite en juillet 2007.

(http://souterrains.vestiges.free.fr/spip.php ?article27)

Depuis son écriture, de nombreuses recherches sur le terrain et dans les archives ont amené à éclaircir la construction et l’utilisation de ce grand tunnel.

Cet article ne se veut pas une étude complète sur cet ouvrage souterrain ; cette dernière a déjà été faite dans le livre les souterrains de la première guerre mondiale, du creusement au témoignage, tome 2 (SPGM T2 en abrégé). Il s’agit donc d’une synthèse permettant au lecteur de comprendre la raison de ce creusement et les principales dates clef de creusement et d’utilisation.

Les 24 et 25 mai 1916, le général Protard alors en tournée dans la zone de la VIIe armée afin de vérifier l’état des organisations défensives (*), décrit le secteur du Linge de la manière suivante :

« La position du Linge forme, en avant de l’Hörnleskopf, un saillant très marqué sur l’ensemble du front. Elle est accrochée aux pentes ouest du Lingekopf, du Schratzmännele et du Barenkopf dont tous les points culminants sont occupés par l’ennemi. Le Linge proprement dit, c’est à dire la partie faisant face au Linge et au Schratz, n’est pas en communication directe, le jour, avec le front du Barrenkopf ; on travaille à combler cette lacune. Jusqu’à ces derniers jours, des relations permanentes étaient établies avec l’arrière au moyen de cinq boyaux enterrés, presque tous couverts et coffrés. Ils ont été récemment détruits par l’artillerie ennemie qui les soumet encore à un tir soutenu empêchant leur rétablissement ; il en résulte que, en ce moment, on ne peut accéder au Linge que pendant la nuit. Pour remédier à cet inconvénient, aussi évident que sérieux, on vient d’entreprendre la construction d’une galerie de mine enterrée qui traversera en souterrain la région la plus exposée aux coups ; son développement sera grand (600m environ) ; 80 mètres sont déjà achevés ; il faut compter sur une longue durée, trois mois environ si l’on ne rencontre pas de difficultés spéciales, pour mener le travail à bien. »

Voilà pour la date approximative de construction du tunnel, qui nous amène à avril/mai 1916.

Par contre, le général Protard se montre bien optimiste, à moins qu’on lui ait présenté le projet en ce sens. En effet, il reste à cette époque 520m environ à creuser. le réaliser en 90 jours tient du prodige dans cette roche très dure des Vosges. Presque 3 mètres par jour par attaque (le tunnel est foré par les deux bouts). C’est presque le maximum atteignable dans les travaux souterrains militaires en terrain tendre.

Ce projet de très longue haleine a vu ses prémices en août 1915, en plein combats. Une étude concernant un passage souterrain est demandé au génie. Cette étude est réalisée et le jugement est sans appel : il est inconcevable d’entreprendre une telle galerie : le terrain est très dur, et de plus marécageux en un point, des sources seront forcément rencontrées, il ne peut se faire qu’un d’un seul côté, et enfin dans ce terrain montagneux il faut suivre les courbes de niveaux ce qui ajoute encore à sa longueur prévue.

En présence de toutes ces difficultés signalées, le responsable du génie conclut « il me semble que la meilleure solution, consisterait à utiliser les boyaux actuels. Il ne s’agit pas en effet d’un travail dont l’exécution seule importe en vue d’un usage ultérieur de durée illimitée, mais au contraire d’un ouvrage militaire que les circonstances tactiques actuelles exigeraient immédiatement et qui risque de perdre son objet lorsque les circonstances seront modifiées. »

Selon lui, il suffit d’entretenir les boyaux existants, avec soin et les couvrir dans les parties prises d’enfilade. Ce travail est du reste commencé.

Exit donc le premier projet de 1915.

Comme nous l’avons vu ci-dessus, le second projet est accepté et commence en avril 1916.

A noter que tout du long de son creusement, cet ouvrage souterrain va prendre successivement plusieurs noms : tunnel du Linge, Grande galerie du Linge, galerie Warren, galerie Varennes, galerie Caudriller et même tunnel Coudriller en 1918 (certainement par erreur de transcription).

Au final le tunnel est percé en juin 1917, soit un an plus tard ; il reste néanmoins tout à faire mettre le mettre au gabarit et à l’aménager.

Son percement effectué, le tunnel peut enfin servir de communication aux troupes.

Mi-août 1918, les Français sont relevés par les troupes américaines dans les Vosges et particulièrement dans le secteur qui nous intéresse. Les menus travaux du tunnel vont continuer, même s’il ne s’agit plus que d’entretien.

« La Linge [sic] Tunnel mine units employed : D Co. (6 workers) date of beginning : 5 sept 1918 probable date of completion : continuous. »

Exemple de tunnel français dans les Vosges

Les Français reviennent dans ce secteur en octobre 1918. Soit dès leur retour, soit un mois plus tard, au moins quinze jours avant la fin du conflit, le tunnel est obstrué, côté est. Le but de cette obstruction, certainement très légère, est probablement d’empêcher une attaque locale allemande de se déclencher par le tunnel jusqu’à l’Hörnleskopf, ce qui aurait pu mettre les Français en fâcheuse posture.

(*) A noter que ces tournées ne se limitent pas à la VIIe armée, elles ont lieu sur l’ensemble du front.