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    Le tunnel du mont Cornillet

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    vendredi 23 novembre 2007, par JFW

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    Après la bataille de la Marne en 1914, le front s’est immobilisé sur une ligne qui n’est pas due entièrement au hasard. Les deux adversaires ont cherché à se fixer sur des points stratégiques : lisières de forêts, zones marécageuses, rivières, et surtout, sommets. Cette initiative a été prise par les Allemands puisqu’ils étaient en fin d’avance, voir même en léger recul. Ils ont eut l’heur de pouvoir choisir facilement leurs objectifs de fixation, et ont bien choisis : Notre Dame de Lorette, Chemin des Dames, sommets des Vosges et de la Haute Alsace et surtout les monts du massif de Moronvilliers, rares reliefs dans cette vaste plaine. Ces plateaux sont au nombre de sept, d’ouest en est, bien alignés excepté un. Ils commencent à l’est de Nauroy et sont : le mont Cornillet (206m), Blond (211m), Haut (257m), Perthois (232), le Casque (246m), le Téton (237m) et le Sans Nom (210m), qui se termine avec un sommet plus bas (cote 181) vers Vaudésincourt à l’est.

    En avril 1917, une offensive généralisée est décidée par les alliés : 9 avril 1917 à Arras et Vimy (surtout afin de faire diversion), 16 avril de Soissons à Reims (retardé de deux jours), 17 avril en Champagne (retardé de deux jours).

    La distance entre premières lignes françaises et allemandes varient entre 50m et 500m, mais la distance entre premières lignes françaises et les sommets est de l’ordre de 2000m. L’attaque doit donc se faire sur une grande profondeur, dans un secteur puissamment fortifié par l’adversaire. Le réseau principal de tranchées se situe à mi pente : tranchée de Leopoldshöhe au bois de la Grille, de la tranchée d’Erfurt longeant le Cornillet et le Perthois, continuées par les tranchées du bois du Chien au pied du Casque, du Landtag au pied du Mont-sans-Nom. Les sommets eux même sont fortifiés et deux tunnels à contre pente ont été creusés : le premier au Cornillet constitué par trois galeries plus ou poins parallèles et contenant un bataillon par galerie et le second au mont Perthois (sur le versant nord est), contenant un bataillon (7 officiers, 220 hommes se rend, encercle depuis le 30 avril)

    Le plan français prévoie deux attaques distinctes : une attaque frontale principale ayant pour but la possession du massif de Moronvilliers, et une attaque secondaire sur le village d’Aubérive et l’organisation du Golfe (situé entre le Mont sans Nom et Aubérive) qui devaient tomber par encerclement.

    La préparation d’artillerie commence le 10 avril et doit durer cinq jour pour détruire toutes les lignes allemandes jusqu’à la contrepente incluse. Elle dura en fait sept jours car l’attaque de l’Aisne a été reculé de deux jours, décalant l’attaque en Champagne d’autant.

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    Photos françaises du mont Cornillet
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    Le Cornillet et ses alentours avant l’attaque (22 mars 1917)

    17 avril Le départ était fixé à 4 h. 45 pour éviter d’être repérés par les observatoires élevés ennemis et ainsi perdre l’effet de surprise.

    A l’ouest, le groupement (constitué de deux divisions et d’un régiment d’une troisième division) Hély d’Oissel a pour objectif le bois de la Grille, le mont Blond et le Cornillet.

    A l’est, le groupement (constitué de plus de trois divisions) J. B. Dumas ayant pour but le Mont-Haut, le Casque, le Téton, le Mont-sans-Nom, le Golfe et le village d’Aubérive.

    A l’extrême ouest, le Bois de la Grille est immédiatement pris, et les troupes vont jusqu’à la tranchée de Leopoldshöhe qui est demeurée intacte malgré la préparation d’artillerie

    Plus à l’est, elles vont jusqu’à la crête du mont Blond et du Cornillet. Encore plus à l’est, elles traversent les premières lignes, la tranchée d’Erfurt, et s’arrête sur les abris souterrains et fortifiés de Constancelager. L’objectif du Mont Haut n’a pas été atteint.

    Encore plus à l’est, les troupes devant s’emparer du Casque et du Téton, trouvent une résistance acharnée au bois du Chien et à la tranchée Oldenburg.

    Enfin, à l’extrême est, la crête du Mont-sans-Nom est atteint, la progression est bonne dans la tranchée du Golfe et l’encerclement d’Aubérive se prépare.

    Aucune contre-attaque allemande n’est fructueuse.

    18 avril
    Au centre, les troupes forcent les abris redoutables de Constancelager et poussent jusqu’à la crête des deux Mont-Haut.

    19 avril
    Le Téton est pris au petit matin. La région du Golfe est incertaine mais Aubérive, encerclée, passe aux mains des français. Encore de nombreuses contre attaques allemandes, qui échouent, sauf au Golfe.

    20 avril
    Les contre attaques continuent et sont un succès au Téton, qui repasse en territoire teuton après un combat qui a duré toute la nuit. Mais à la fin de l’après-midi, est repris. Le Casque passe en territoire français.

    22 avril
    Nouvelles contre-attaques, l’un des monts Haut est perdu, tandis que l’autre, est perdu puis repris. De même dans le Golfe où le terrain est perdu puis repris.

    Pendant ces cinq jours d’opérations, Les Français prennent donc

    • une partie du bois de la Grille,
    • la tranchée Sud du Cornillet. Le sommet et les pentes nord restent aux mains ennemies et le tunnel leur permet de contre attaquer à souhait,
      — le mont Blond (sauf la crête),
      — le Mont-Haut en partie,
      — le Casque en partie,
      — le Téton, le Mont-sans-Nom, le Golfe et Aubérive.

    Entre le Cornillet et le mont Blond, reste un réduit qui résiste à tout assaut. De plus, un second tunnel, foré au nord est du Mont Perthois facilite les contre attaques ennemies.

    Du 23 avril au 19 mai se constituent des opérations locales afin de raffermir certaines positions et en rationaliser d’autres.

    Les plus importantes sont : le 30 avril entre les Marquises et le Téton ; le 2 et le 4 mai sur le bois de la Grille ; le 4 mai sur le mont Blond et le Cornillet. Sur ce dernier sommet, les français parviennent jusqu’à la nouvelle tranchée construite par les Allemands après le 17 avril, mais ne peuvent maintenir leur position du fait des incessantes contre attaques allemandes à partir du tunnel.

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    Deux CPA de l’entrée sud du mont Cornillet, prises à quelques années d’intervalle
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    La même zone après l’attaque (09 juin 1917)

    Le tunnel
    Le tunnel est connu de l’état major français. Les missions aéronautiques (avions ou ballons captifs) ont photographiés à moult reprises la zone et les analystes ont repéré trois entrées, dont une à la fin d’un chemin menant à Nauroy. Les inconnues étaient : la taille du tunnel et par là même la puissance de sa garnison. Les mouvements de troupe se faisaient de nuit pour échapper à l’observation française, mais le chemin, fort visible était une bonne indication.

    Des interrogatoires de prisonniers a révélé l’aménagement intérieur : l’ouvrage est constitué de trois galeries plus ou moins parallèles et à des profondeurs différentes et chaque galerie permet d’abriter un bataillon (entre deux cents et trois cents hommes). L’entrée principale est celle du centre. Au milieu de cet ouvrage a été foré une transversale afin de permettre la circulation interne.

    Plus pragmatiquement et comme tous les tunnels allemands, celui ci a l’électricité, une ambulance, le téléphone, des dépôts de vivre (10 jours de réserve pour trois bataillons) et de munitions. Toutes ces salles sont reliées à la galerie centrale. L’aération se fait par cheminées forées et ventilateurs à bras.

    20 mai
    Une nouvelle attaque d’envergure doit être menée le 20 mai sur le mont Cornillet et le raffermissement des positions françaises sur le mont Blond, au Casque et au Téton.

    La préparation d’artillerie commence à la lever du jour pour se poursuivre jusqu’à l’attaque, vers 16h00. A 13 heure, un Allemand se rend ; il semble affolé et prétend que toute la garnison du tunnel est asphyxiée par les gaz et qu’elle va se rendre. Vers 14h00 heures, un détachement d’une trentaine d’Allemands se rend également, disant que la situation des occupants du tunnel est intenable.

    L’attaque débute à partir du Téton à 16 h25. Les objectifs sont atteints au Nord et du Casque et au Nord-Est du Mont-Haut. Sur les parties Nord-Ouest du Mont-Haut et au mont Blond, l’assaut se brise sur les mitrailleuses. Par contre, le somment du mont Cornillet est conquis facilement par les deux bataillons du 1er zouaves, qui redescendent sur les pentes nord et atteignent la zone des entrées du tunnel, sans subir aucune contre attaque souterraine. Aucune entrée n’est découverte et la ligne se fixe pour la nuit.

    L’extrait suivant provient de l’Illustration du 4 août 1917
    « Au petit jour, deux Boches qui cherchent à fuir nous font enfin découvrir l’entrée principale qui n’est pas bouchée. Le capitaine Legras et le lieutenant Crocher viennent la vérifier : ils la trouvent comblée par l’amoncellement des cadavres sur plusieurs épaisseurs. Un obus de 400 est tombé, le 20 dans la matinée, sur la cheminée d’aération de la galerie Est, a fait effondrer le carrefour de la galerie transversale et écrasé la chambre où se tenaient les deux chefs de bataillon. De plus, un grand nombre d’obus spéciaux ont été tirés sur les entrées. La garnison presque tout entière a péri asphyxiée. Les aides-majors Forestier et Lumière, malgré l’horreur du spectacle, l’odeur et le danger, pénètrent à l’intérieur par une fente et en passant sur un matelas de cadavres dont les attitudes et les poses permettent aisément de reconstituer la scène d’épouvante. Tous sont équipés, harnachés, armés du fusil ou pourvus du sac de grenades, prêts à sortir pour une contre-attaque ; cependant ils ont dû se précipiter vers les issues quand ils ont senti l’asphyxie venir, et ils les ont eux-mêmes bouchées par leur agglomération. Leurs traits crispés, leurs corps piétinés indiquent la lutte violente pour l’air et pour la vie. Plus loin dans la galerie, les cadavres sont moins entassés. Voici le poste de secours : un capitaine du 476e, la tunique déboutonnée, a les deux jambes brisées placées dans des gouttières ; au carrefour, des infirmiers sont écrasés par les poutres effondrées. Cependant, les deux médecins, dans cette cohue de morts, trouvent un vivant qu’ils ramèneront au jour. Ils continuent leur lugubre visite. La galerie qu’ils suivent est maintenant cloisonnée par des couvertures. En soulevant l’une d’elles, ils trouvent sur un banc des bougies récemment allumées. Il y a encore des vivants dans ce souterrain. Cependant d’autres explorations ne feront plus rien découvrir. Le colonel Poirel viendra lui-même inspecter les lieux, les officiers du génie y viendront, et le capitaine Texier, de l’état-major de la division Joba, y sera envoyé en mission spéciale, accompagné de l’aide-major Lumière et de l’aumônier Carrère qui, tous deux, y ont déjà pénétré plusieurs fois. Les travaux de déblaiement, d’assainissement et de remise en état seront entrepris immédiatement. »

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    Intérieur du tunnel (partie nord) le 20 mai 1917

    Offensive du 15 juillet 1918
    Les Français changent de tactique et ne laissent que le minimum de troupes au sommet des monts et va occuper une ligne au sud des monts. Aux alentours de minuit, dans la nuit du 14 au 15 juillet, les deux artilleries déclenchent leur feu. Les observateurs laissés au Cornillet donnent de précieuses indications et de par les nombreuses fusées lancées, donnent le sentiment aux Allemands que les positions sont bien défendues. A 3h30, les Français font sauter le tunnel (l’entrée nord ?) lorsque les Allemands donnent l’assaut. Après être parvenus au somet des monts san,s rencontrer de résistance, les vagues d’assaut descendent les pentes sud et sont arrêtées, non sans diffcultés

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    Gabarit du tunnel selon l’Illustration.
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    Entrée sud, seul vestige existant du tunnel du mont Cornillet, selon le guide Michelin des champs de bataille (batailles de Champagne, 1921)

    Le tunnel reste oublié de tous jusqu’en 1973

    Juin 1973
    Des ouvriers du secteur d’état civil militaire de Châlons-sur-Marne découvrent l’orifice d’une bouche d’aération du tunnel du Mont Cornillet. En élargissant cette ouverture ils parviennent à descendre et débouchent 12 mètres en dessous, dans la galerie du versant sud du Mont et découvrent d’innombrables ossements, de l’armement, du matériel ...

    Septembre 1973
    Alertées, les autorités allemandes prospectent à leur tour le tunnel où subsistent armes, munitions et les restes mortels des soldats qui n’ont pas été extraits de leur linceul de terre et de pierres lors de premières fouilles en 1933 ; à cette époque, des émanations de gaz provenant de fûts d’ypérite en mauvais état et une certaine tension internationale avaient mis fin prématurément aux exhumations.

    Juillet 1974
    35 sapeurs allemands du Régiment d’Instruction du Génie de Kehl fouillent le Mont Cornillet. Un matériel important est loué sur place et l’armée française prète de gros engins de dégagement : sauterelle, bulldozer, excavatrice ...

    Une centaine de squelettes sont dégagés et extraits des décombres ; malheureusement, les galeries ayant été pillées, seuls 20 corps sont identifiés. Les sapeurs allemands, épaulés par des volontaires de l’armée française, s’attaquent à une galerie où sont supposés se trouver les corps de quinze officiers.

    Le temps presse. Fin août, les tirs d’entraînement de l’artillerie doivent reprendre sur le territoire des camps marnais. Lorsque les fouilles cessent, 241 corps ont été sortis des deux premières galeries, totalement dégagées ; le dégagement de la troisième est à moitié entrepris. Ces soldats allemands du 476è RI Wurtenburgeois n’avaient guère plus de dix neuf ans et étaient des " bleus " ignorant tout des atrocités de la guerre.

    Avant de quitter le site, les autorités allemandes et françaises assistent à une émouvante cérémonie devant les cercueils contenant les dépouilles des soldats allemands de 1917.

    Juin 1975
    Sous le Cornillet, les fouilles reprennent ; 25 sapeurs du Régiment d’Instruction du Génie de Munich et onze militaires français du 33è Génie stationné à Kehl poursuivent le dégagement de la troisième galerie où ils espèrent retrouver trace des quinze officiers supposés être en réunion lors de l’éboulement du tunnel. La découverte des premiers squelettes a pris de longues heures de fouilles dans les gravats, les éboulements ; c’est au prix d’énormes efforts que les militaires parviennent à la salle de briefing. Ils ont vite fait de se rendre compte que le tunnel, véritable cimetière souterrain, a été profané et que les restes mortels ont été dépouillés de tout objet permettant leur identification. Au total, 80 corps sont extraits de cette dernière galerie et avec recueillement placés dans des caissons en plastique en attendant leur inhumation définitive. Le total des exhumations représente 321 corps.

    (les paragraphes datés de 1973 à 1975 proviennent de http://www.lced.org/div_04.php )

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