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Accident dans la sape abri H du Reichakerkopf

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mercredi 7 décembre 2011, par JFW

La sape H est un petit tunnel situé sur les flancs du petit Reichakerkopf, en Alsace. Le 9 septembre 1916, lors d’un bombardement, un accident sérieux se produit dans ce grand abri.

La construction de la sape H a été commencée par la compagnie du Génie qui a précédé celle de M. Le capitaine Vautherot aux environs de juin 1916. Les travaux ont été continués par les sapeurs de cette dernière compagnie, renforcés de quelques soldats d’infanterie qui ont ensuite continué seuls après le départ de la 63ème Division.

Cette sape-abri comporte deux entrées, la première orientée sud-est, la deuxième sud-sud-est. L’abri principal, de grande capacité, est situé sous une couche de terre et de rocher d’environ 5 mètres.

Le 9 septembre, le drame se produit...

La première entrée a été démolie par la déflagration d’une grosse torpille ennemie tombée en plein dessus. Le souffle consécutif produit dans la galerie d’accès et surtout les gaz toxiques dégagés par l’explosif ont causé de la mort de 29 gradés et hommes qui se trouvaient à ce moment dans l’abri. Par miracle, un sergent et un homme placés du côté de la sortie intacte ont pu se dégager en rampant péniblement, quoique fortement intoxiqués par les gaz.

Comme l’écrit le commandant du peloton des pionniers du 253ème RI en 1916 :

"Il est à remarquer que la première entrée de l’abri avait été démolie il y a une quinzaine par des torpilles ennemies, sans autre accident que des dégâts matériels depuis réparés. Il n’y avait alors personne dans l’abri et l’on ne peut établir si l’explosif qui constituait la charge de la torpille cause de l’accident, était de nature spéciale. Toutefois, il a été remarqué que certaines torpilles dégageaient une épaisse fumée noire, d’autres une fumée blanche."

Un deuxième témoignage de l’accident est celui du médecin qui secouru les hommes réfugiés dans la cavité.

VII Armée 132e Brigade 253e Régiment d’Infanterie 6e Bataillon

Objet : Au sujet de 29 hommes tués par commotion et 4 intoxiqués dans une sape au Reichaker le 9 septembre 1916 par l’explosion à l’entrée du projectile de minenwerfer moyen (50kg)

Aux Armées le 10 septembre 1916

Rapport du médecin Aide Major de 1e classe Buron, au sujet des effets produits par l’explosion d’une torpille de minenwerfer moyen à l’entrée d’un abri.

J’ai l’honneur de vous rendre compte des événements qui se sont passés au Reichakerkopf au cours du bombardement du 9 septembre 1916. Vers 21 heures, un télégramme du capitaine A.M. Favre réclamait ma présence au Reichaker avec le matériel et le personnel nécessaire pour dégager et soigner si possible un grand nombre d’hommes tués par commotion et action des gaz au fond d’une sape. Je trouvais au poste de secours les 2 rescapés (sergent Radondy et soldat Bouissière). Voici leur déclaration : A 17 heures, devant un violent bombardement, 4e section de la 23ème compagnie (31 hommes) se réfugia avec son chef de section le s/lieutenant Espourteille, dans la sape H. Vers 18 heures, tous les hommes furent violemment projetés sur le sol par l’éclatement d’un minenwerfer moyen (poids 50 kg, explosif 17 kg). Les 31 hommes de la sape étaient répartis dans différents compartiments, ceux qui se trouvaient près de l’issue inférieure B furent les moins atteints et même un sergent et un homme se relevant virent près d’eux quelques camarades (6 ou 8) qui pleuraient ou se plaignaient. Le sergent voulut en faire sortir 2, mais les voyant hésitants, il entra dans la partie postérieure D de la sape, où 20 de ses camarades étaient étendus inanimés. Il voulut les déboutonner pour leur permettre de respirer, mais il sentit soudain que la tête lui tournait, il fit quelques pas vers la sortie et tomba. Accompagné par l’homme qu’il avait retrouvé vivant dès l’explosion passée, il s’efforça de gagner le poste de son Commandant de compagnie,mais épuisés tous deux, vomissant, sans forces, ils mirent plus d’une heure à accomplir ce trajet qu’ils faisaient d’ordinaire en 1/4 d’heure, et affirmèrent qu’étant donné ce qu’ils avaient vu, tous leurs camarades avaient certainement succombé. A l’examen de ces deux hommes, je constate : de la céphalée, des vertiges, une sensation de sècheresse de la gorge, de la gêne respiratoire et des vomissements peu violents qui les avaient d’ailleurs soulagés.

Deux brancardiers qui avaient subi les mêmes troubles, me racontèrent qu’ils avaient voulu porter secours aux hommes, dès l’annonce de l’accident, et que ne sentant aucune odeur suspecte, surtout n’éprouvant aucun picotement des yeux, ils avaient conclu qu’il n’y avait pas de gaz asphyxiants et ils étaient entrés. Ils avaient supporté sans gêne un travail de quelques minutes et avaient pu sortir le corps d’une des victimes, quand soudain ils avaient ressenti un malaise, des vertiges, surtout une sensation de faiblesse qui leur avait à peine permis de gagner l’extérieur. Un peu de repos et quelques respirations d’oxygène par l’appareil Draeger les avaient remontés un peu, mais la céphalée, des envies de vomir, de la diarrhée chez l’un d’eux persiste. La sape H a 2 issues, donnant toutes deux sur un même boyau, à des niveaux différents (c’est à la tranchée de soutien). La sortie la plus élevée n’est pas achevée, mais nos hommes y travaillent chaque jour ; de cette sortie, une pente douce descend jusqu’à une chambre D assez vaste pour contenir 50 personnes, à la suite d’un corridor CD, qui ouvre à niveau sur le boyau (ce corridor est coudé à angle droit). C’est par cette issue que je pénètre. Dans le corridor, je ne sens aucune odeur, j’allume un journal qui brûle facilement, ainsi qu’une bougie tenue à la main ; 7 ou 8 corps inanimés gisent à mes pieds.

J’approche de la chambre médiane D où je jette un coup d’œil rapide, tout en respirant avec précaution. J’aperçois un monceau de corps, la plupart ont été projetés en avant, la face contre terre, d’autres ont été surpris par la mort d’une façon absolument subite, l’un tenait encore son quart à la main, un autre était accroupi le dos contre le mur comme on l’avait vu quelques minutes avant l’explosion. Dans cette pièce règne une odeur désagréable, rappelant celle que dégagent les lampes éclairées au carbure de calcium. Je fais donc retirer aussi vite que possible les cadavres qui sont dans le corridor, puis j’exige quelques hommes qui travaillent dans la salle médiane portent l’appareil Drager, c’est évidement une gêne et un ralentissement dans le travail, mais je n’ai à déplorer aucun accident. Seul un infirmier, qui est resté sans Draeger dans la sape un temps assez long, doit abandonner le travail, étant pris de vomissements et de diarrhée. Les cadavres présentent un visage noirci, partie par les parcelles d’explosif qui le recouvrent, partie par suite de l’asphyxie subie. Les lèvres sont violet foncé, elles sont souillées d’écume, certains hommes ont vomi, la plupart ont eu relâchement du sphincter anal. Très peu sont blessés, juste les 4 derniers sortis. En effet, le minenwerfer qui a frappé leur sape a effondré l’entrée supérieure, dont les bois ont contusionné quelques uns des malheureux. A six heures du matin, le dernier est extrait. Quelles sont les causes de leur mort. Elles sont triples. 3 ou 4 de ceux qui étaient près de la sortie supérieure A ont été assommés par l’effondrement de la sape en cet endroit. Ceux qui se trouvaient dans la salle médiane semblent avoir succombé à la violence de la déflagration ; mais ceux qui étaient près du corridor ont pu parler et agir après cette explosion. Comment ont-ils donc succombé sans chercher à fuir, et s’agi-il d’un gaz dit asphyxiant, comme on l’a cru un instant. Je ne le pense pas. Les hommes étourdis par le choc, abrutis par la force de l’explosion, ont hésité à sortir par crainte des projectiles ; ils se sont laissés gagner par l’oxyde de carbone dégagé par le minen, qui, sans picotement des yeux, sans provoquer de toux, leur a causé un engourdissement dont ils ne se sont pas réveillés ; ceux que la déflagration n’avait qu’étourdis ont succombé sans souffrance à l’oxyde de carbone, accumulé d’une façon d’autant plus meurtrière, que la sape avait une de ses issues obstruées. Ont succombé : sous lieutenant Espourteille, sergent Ferrer, caporal Augé et les 24 hommes dont les noms suivent : Blanc, Buseail, Caursouline, Capelle, Carenton, Charnotet, Dunyach, Estèle, Gintraud, Lacaza, Matillo, Mouche, Nobel, palau, Patau, Pouch, Piquemal, Ribéra, Riviel (Bre), Riveil (Joseph), Rolland, Romeu, Servières, Touron. En outre deux téléphonistes : Cavaillé et Vigo. Ont pu s’échapper après avoir subi un début d’asphyxie : sergent Radondy, soldat Bouissière. Ont subi un début d’asphyxie ou d’intoxication en dégageant leurs camarades : caporal infirmier Pujol (diarrhée et vomissements), caporal brancardier Fontayne (grosse difficulté respiratoire), Tocabens infirmer : gêne respiratoire accusée.