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A la recherche des souterrains d’Albert - partie II, les témoignages

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jeudi 13 août 2015, par JFW

Comme il a été précisé dans la première partie de cette étude, des recherches ont eu lieu dans la ville d’Albert afin de découvrir un souterrain dont l’existence est signalée dans les ouvrages traitant de l’histoire d’Albert et dont les habitants de la région parlent, mais d’une manière assez vague. Ce souterrain partirait d’Albert et déboucherait au lieu-dit "Bois le Comte", qui est, déjà en 1915 et encore actuellement, un champ entre la Boisselle et Bécourt.

Des bruits suspects ayant été signalés en février 1915 dans une tranchée de 2e ligne, on avait pensé que l’ennemi avait pu retrouver ce souterrain et procédait au déblaiement des parties éboulées. Il était dès lors de la plus haute importance de retrouver le souterrain. Les recherches ont eu lieu, d’une part dans la tranchée où les bruits avaient été signalés, d’autre part dans la ville d’Albert où le souterrain en question devait prendre son origine.

Dans la tranchée, on a procédé au fonçage de deux puits d’une douzaine de mètres de profondeur avec galeries partant du fond du puits, et on a établi des postes d’écoutes. Les résultats ont été négatifs, on n’a jamais entendu d’autres bruits que ceux provenant de la marche des hommes dans les boyaux.

Dans Albert, les recherches ont été faites en se basant sur toutes les indications qui ont pu être recueillies.

LES RENSIGNEMENTS RECUEILLIS

Commençons par les livres. Comme mentionné dans la première partie, 3 ouvrages font mention des souterrains d’Albert :

  • H. Daussy, Histoire d’Albert (1895),
  • Yves Ste Marie, Notre Dame de Brebières (1908),
  • F Lemaire, Albert jadis et aujourd’hui (1913),

L’armée possède également une copie du plan de 1793 qui avait été prêté par une habitante.

Souterrains du château d’Albert, d’après l’ouvrage de Daussy.

Pour entrer dans le vif du sujet, voici quelques témoignages d’habitants de l’époque (les noms précis des rues à Albert ont été enlevés).

Déclaration de M Vasseur Emile, instituteur honoraire de la Compagnie du Nord, 1 rue Albert Toulet à Albert, actuellement 44 rue des Corroyers à Amiens ; témoignage recueilli le 21 mars 1915.

J’ai su que l’armée française faisait des sondages dans ma propriété et dans d’autres dans la région d’Albert pour découvrir d’anciens souterrains qui doivent y exister. Comme je suis natif d’Albert et que je connais très bien la région, je puis certifier que l’on a toujours dit que l’entrée des trois souterrains allant l’un vers Bray sur Somme, l’autre vers le Bois Lecomte et l’autre vers le château de Thiepval, se trouvait dans le château appartenant autrefois au Baron Le Feuvre et actuellement à Mme Trancart, situé à Albert. Ces entrées de souterrains se trouveraient dans un puits et à 8 mètres de profondeur. Cet ancien puits est abandonné et ne contient pas d’eau. Il est recouvert d’une dalle, sur laquelle doit même exister une niche à chien. Ce puits a son ouverture au niveau du sol et n’a pas d’entourage. Monsieur Arrachart-Dufourmantelle, entrepreneur de plomberie à Albert, demeurant actuellement à Amiens, m’a dit que ses ouvriers en descendant autrefois dans ledit puits, avaient trouvé ces souterrains. Monsieur Hutellier, d’Albert, demeurant actuellement à Amiens rue Debely n°6, s’est trouvé en rapport avec monsieur Gerin, ancien domestique du baron Le Feuvre lequel lui a fait connaitre que l’entrée de ces souterrains se trouvaient également dans le puits existant dans la propriété de son maître.

Bois Lecomte de nos jours Bois Lecomte, de nos jours.

Déclaration de monsieur Arrachart-Dufourmantelle, entrepreneur de plomberie à Albert, actuellement rue Le Mattre, n°6, à Amiens ; témoignage recueilli le 21 mars 1915.

L’entrée principale des souterrains existe au château occupé autrefois par Monsieur le baron Le Feuvre, à Albert, dans la pelouse faisant face au château. Une communication avec les souterrains se trouve dans une rue où il y a une entrée dans la maison occupée par M Trupin fils. Du même château il y a des souterrains allant du côté du marché aux chevaux. A cet endroit, il existe une bifurcation dont je connais pas exactement la direction. Une sortie du souterrain existe au lieu dit "Le Bois Lecomte" (bois défriché) à l’ouest du bois de Bécourt. Dans ma bibliothèque à Albert, j’ai un exemplaire de l’histoire d’Albert, qui parle de ces souterrains. J’ai connu autrefois le baron Le Feuvre qui possédait les plans de ces souterrains. Ces plans doivent se trouver entre les mains de Mademoiselle Marie Dupuis, demeurant actuellemen chez sa nièce, rue des Arène à Ermont (Seine & Oise) Je possède à Albert des cordes à noeuds qui peuvent servir à descendre dans le puits, j’offre de les mettre à la disposition de l’autorité militaire. Je suis également à sa disposition pour aller à Albert pour fournir les renseignements sur place.

Témoignage de Pierre Duboy, 24 rue Pierre l’Ermite, à Amiens ; témoignage recueilli le 25 mars 1915.

J’ai trouvé hier, dans un dossier de notes sur Albert conservé à la bibliothèque des antiquités de Picardie, une note descriptive des caves ou souterrains de l’ancien château, rédigée à l’appui d’un plan (celui de 1793 auquel Daussy fait allusion) que la société n’a jamais possédé et que je crois pouvoir considérer comme perdu. Malgré cette très regrettable disparition, j’ai pensé que cette note pouvait cependant être de quelque utilité pour ces fouilles que vous poursuivez. Vous en trouverez copie fidèle ci-contre. Un sergent de la 2ème section de C.O.A originaire d’Albert que j’ai interviewé aussi discrètement que possible et sans rien spécifier comme but de cet interrogatoire, vient de me dire qu’étant enfant, il y a une vingtaine d’années, il avait pénétré dans un long souterrain dont le départ se trouvait contre la Villa des Rochers, ou propriété de madame Comte. A l’endroit où cette propriété touche à l’ancienne enceinte de la ville (cf un des plans de Daussy), le jardin est clos par une petite grille. A 15 mètres à gauche de cette grille, se voit dans le mur (qui est l’ancien rempart) une tête de chien grossièrement sculptée. L’entrée du souterrain se trouve sous cette tête. On pouvait le suivre pendant une cinquantaine de mètres : il se dirigeait vers le Bois Le Comte.

Photographie française d’Albert pendant la guerre.

Témoignage du soldat F. Lemaire, du 12e RIT, 18e compagnie ; témoignage recueilli le 2 avril 1915.

En traitement à la filiale St Jacques, où je dois encore passer quelques jours seulement, je viens d’apprendre dans le pays que les Allemands songeraient, dit-on, à utiliser les souterrains du château de Bécourt pour avancer sur Albert. Je crois, en conséquence, de mon devoir de venir vous exposer que : au cours de mes nombreuses recherches historiques sur la ville d’Albert, dont j’ai ces derniers temps publié un opuscule à l’usage des enfants des écoles, j’ai trouvé que la ville d’Albert possédait de vastes souterrains et que certains auteurs donnaient à penser que les dits souterrains communiquaient jadis avec ceux du château de Bécourt. D’autres auteurs racontent qu’ils débouchaient simplement au Bois le Comte, lieu dit du terroir situé entre Bécourt et la route nationale de Rouen à Valencienne, Les souterrains en question partaient du donjon de l’ancien château féodal qui occupait le haut de la rue X. en dernier lieu, on y accédait par un escalier en escargot d’une assez grande profondeur. L’entrée de cet escalier, qui, à n’en pas douter, se trouve dans la belle propriété qui occupe le haut de la susdite rue ou ses abords, a été voûtée vers le milieu du siècle dernier (je possédais dans ma classe attenant à l’école supérieure un plan du château féodal, état ancien et état moderne). Je me permettrais aussi de vous dire qu’au cours d’autres recherches historiques faites à Bécordel, dont Bécourt est l’annexe, j’ai appris par un ancien collègue du pays que Bécordel avait aussi ses souterrains qui devaient déboucher dans un puits du pays, mais je n’ai pas contrôlé ses dires. Si, comme je le crois, mes renseignements peuvent vous être utiles, je me ferais un devoir de vous les compléter dans la mesure du possible, mes travaux de recherches étant restés à Albert, où j’étais instituteur depuis 17 ans.

Témoignage recueilli le 29 mars 1915.

Je crois de mon devoir de vous donner les indications suivantes concernant les souterrains que vous cherchez à découvrir dans la ville d’Albert. M. Donchet, instituteur à Beaucourt sur Ancre, résidant actuellement à Bonnay près Corbie s’est occupé activement à cette question : je pense qu’il y aurait lieu de le consulter utilement.

M. Dolé, résidant à Albert, et M. Quélin résidant à Amiens, tous deux entrepreneurs, pourraient être également interrogés au sujet des souterrains et fournir quelques renseignements. D’autre part, je crois bon de vous signaler que chez M Trupin, cafetier rue d’A., il existe de profonds souterrains qui ont été murés il y a quelque temps. M Trupin qui habite Albert se mettrait, j’en suis sûr, très volontiers à la disposition de l’autorité militaire pour la guider dans ses recherches.

Photographie française d’Albert.

Et enfin quelques derniers fragments de témoignages

1°) Caves de la Maison Sauvenot Une galerie fermée par un puits se poursuivait vers la rue de B. passait dans un puits de la maison Lamelle (café de l’Industrie) se poursuivait vers le bois noir (route de Bellancourt). Issue ou cheminée d’aération dans le bois auprès du bois.

2°) Bécourt à Contalmaison souterrain ressortant à la ferme de M. Devaux, chemin de Posières à Contalmaison, à mi-chemin et à gauche en partant de Posières. Partirait de derrière la chapelle de Bécourt. Caveau de famille derrière la chapelle entre la chapelle et le château.

3°) Le Sars Il y aurait un autre souterrain continuant jusqu’à Le Sars

Là s’arrêtent les témoignages des habitants faits aux autoritées militaires. Ces dernières doivent maintenant enquêter sur le terrain afin de retrouver, si possible, ces cavités.

La troisième partie va être consacrée aux découvertes faites sous cette ville