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Une muche et sa réutilisation pendant le conflit

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jeudi 4 décembre 2008, par JFW

La bataille de la Somme

Au début de 1916, les adversaires se sont retranchés de part et d’autre derrière des fortifications de plus en plus solides. Les origines de la bataille de la Somme diffèrent selon les sources. Les écrits britanniques font souvent mention du fait que les français ont "supplié" les britanniques d’ouvrir un second front actif pour délester Verdun d’une partie des troupes allemandes, tandis que les sources françaises, s’ils elle mentionnent bien le soulagement de Verdun et l’ouverture d’un second front actif, mettent plus l’accent sur le fait de rendre l’initiative des offensives aux Alliés.

Quoi qu’il en soit, Haig et Joffre décidèrent d’ouvrir ce second front actif dans la Somme. L’attaque est conjointe : Français au sud, Britanniques au nord, sur un front de 35 km, de Gommécourt à Maricourt (pour les armées britanniques) Pendant six jours, jusqu’au premier juillet 1916, les Alliés pilonnent les lignes allemandes en envoyant 1,6 millions d’obus.

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Situation générale en 1916 ; les zones grisées représentent les lignes de résistance allemandes (guide Michelin, 1920)

L’attaque britannique est menée par la 4e Armée (Commander Rawlinson), avec 5 coprs d’armée (CA) et par 3 divisions de l’aile droite de la 3e Armée. Elle a lieu entre l’Ancre et Maricourt. Face à eux, Allemands ont fortifié les villages comme Ovillers, La Boisselle, Fricourt, Mametz et Montauban. Ce sont les objectifs des britanniques.
Juste avant l’attaque à 7h30, les tunnellers britanniques font jouer deux mines de 200 tonnes d’explosif, pulvérisant une partie des lignes allemandes. Lochnagar Crater, situé sur la commune d La Boisselle, est l’un d’entre eux et est encore visible de nos jours, avec un diamètre de 100 mètres et une profondeur de 30 mètres. Il fera l’objet d’un article spécifique. Le second, Y crater, n’existe plus.

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La rupture est réalisée au sud de la Somme dont les marécages gênent l’exploitation du succès. L’offensive est bloquée au nord sur les lignes d el’Ancre situation générale en 1916 ; les zones grisées représentent les lignes de résistance allemandes (guide Michelin, 1920)

Le Commander Rawlinson, tellement persuadé que toute résistance ennemie avait été annihilée suite à cette gigantesque préparation d’artillerie, fit mener l’assaut comme à la parade. Mais il n’en fut rien ; la plupart des allemands survécurent au déluge, réfugiés dans les abris profonds et moult galeries souterraines de leur ligne de front transformée en forteresse.
Dès la fin de la préparation d’artillerie, ils sortirent prestement et mirent en action leurs mitrailleuses Maxim, hachant les rangs britanniques compacts. Le massacre continua jusqu’à la nuit, l’arrêt de l’assaut ayant été refusé par le général Haig. Quelques unités parvinrent jusqu’aux première lignes allemandes, mais les contre attaques leur firent perdre tout le terrain gagné par le sang.

A la fin de ce premier jour de l’attaque britannique, les pertes sont de 20.000 morts, 35.000 blessés et 2.000 disparus.

Aux premiers assauts du 1er juillet, Montauban, Mametz sont tombés ; Fricourt, La Boisselle, enveloppés, sont pris le 3 juillet.
La progression continue à droite. Contalmaison et le bois de Mametz, atteints le 5, sont enlevés le 11.
A l’extrême droite, les britanniques, en liaison avec les français, ont atteint les lisières sud du bois des Trônes, et sont au contact avec les deuxièmes positions allemandes.
Les Français de la VIème Armée, attaquant au sud, eurent plus de succès malgré les plaines marécageuses, mais durent renoncer du fait de l’échec britannique.

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opérations juillet et août 1916 (guide Michelin, 1920)

Refusant d’accepter la défaite, les Alliés résolurent d’ébranler petit à petit la résistance ennemie par une poussée continue sur toute la ligne et des coups de boutoir portés successivement en ses différents points d’appui. Le massacre continua donc jusqu’en novembre 1916. A la fin des affrontements, en novembre 1916, les Alliés avaient gagné 200 km2 de terrain. Le prix de cette offensive fut terrible : perte de 400.000 britanniques, 200.000 français, 450.000 allemands

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Opérations de septembre et novembre 1916 (guide Michelin, 1920)

Les allemands, décidèrent en mars 1917 d’optimiser leur front, mettant fin ainsi à la bataille de la Somme.

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Opérations de novembre 1916 à mars 1917 (guide Michelin, 1920)

Comme sur l’ensemble du front, les hommes ont recherché tous les abris possibles et imaginables pour échapper au feu ennemi, mais aussi au climat. Ainsi, la muche décrite dans cet article, située en arrière du front tout en restant relativement proche, fut donc un lieu idéal de refuge et de vie.

On y pénètre par une longue et belle descenderie maçonnée ; à cette galerie succède le couloir principal classique de la muche picarde. Il est étroit, et, loin d’être rectiligne, fait des zig et des zags. L’absence de points de repère ajoute au sentiment de malaise et de labyrinthe. Le visiteur se sent rapidement perdu malgré la simplicité du plan général.

De part et d’autre de cette voie de circulation, s’ouvrent des cellules, jadis lieu de résidence des occupants lors des périodes troublées.

Ces salles contiennent les restes classiques d’occupation militaire : cuir, reste de chaussures, débris métalliques divers. On y trouve aussi des supports d’éclairage (certainement des bougies) cloués au mur.

Mais la preuve la plus flagrante de l’occupation britannique est la densité extraordinaire de noms, de dates, d’origines et, de moindre nombre, de dessins. Chaque cellule, chaque entrée, chaque mètre carré du couloir principal est recouvert de sigles, tout du moins aux endroits où l’état de la pierre le permet.

Un autre vestige émouvant est l’inscription d’un certain Clodomir Lenain dans le souterrain refuge et daté de 1916. Cet enfant du village avait donc visité cette cavité et laissé sa signature à l’attention des futurs visiteurs.
La date (si elle est authentique) de ce témoignage rupestre pose par ailleurs une petite énigme car en 1916, les troupes néo zélandaises du Commonwealth (ANZAC) était certainement déjà présent dans cette commune.
L’hypothèse privilégiée est que M. Lenain, bénéficiant d’une permission, est retourné dans son village natal voir sa famille (village qui n’aurait donc pas été évacué), puis visité le souterrain-refuge, qui ne serait donc pas encore occupé par l’ANZAC.

Émouvant, car le destin de ce jeune homme fut bien sombre. Incorporé dans le 128ème régiment d’infanterie, il disparut en 1918, certainement en septembre alors que le régiment était dans l’Aisne, lors des combats autour de Rosé saint Albin (Rozet saint-Albin aujourd’hui), 5 km au nord est de Neuilly Saint Front. Il avait alors à vingt et un ans.

Cette histoire est confirmée par l’inscription sur le monument aux morts de la commune où se trouve la muche décrite ici, du nom du jeune Clodomir Lenain.